BIRDS NESTING. PLEASE DO NOT USE THIS BOX. MANY THANKS. (1/3)
En ce samedi matin frais et pluvieux, je vous propose un extrait d'un des livres de phénoménologie de Sarah Ahmed, la grande philosophe feministe queer, What′s the Use? On the Uses of Use (Duke University Press, 2019).
Cette étude sur l'usage (use) s'inscrit dans la continuité de ses travaux phénoménologiques, dans lesquels elle suit "à la trace", avec la finesse incomparable qui est la sienne, les histoires et les signifiants collés (stick) aux "objets" (au sens large, disons : "kleinien"), par lesquels se déploient l'infinie complexité et la diversité des relations qui tissent les mondes de la vie. Dit comme ça, ça peut paraître compliqué : en réalité, lire Sara Ahmed, une fois qu'on est entré dans sa manière si "physique", si "sensorielle", si "affective", de philosopher, s'avère une expérience "étrangement familière" - et vous pouvez traduire cette étrangeté avec le mot "queer" en faisant résonner les associations d'idées qui lui sont attachées. (donc : c'est aussi une expérience de "dé-familiarisation").
Sara Ahmed a exploré le champ du bonheur, de la volonté, du racisme, etc.. en suivant la méthode qu'elle avait mise en place dans Queer Phenomenology_ Orientations, Objects, Others-Duke University Press (2006) (et déjà avec Jackie Stacey en 2001, dans l'introduction du volume "Thinking through the skin", sous le titre de "dermographies".)
Typiquement, son étude de l'"usage" (use) me procure l'envie irrésistible d'enseigner à nouveau la philosophie -sauf qu'il n'existe que très peu de "mondes" où un tel enseignement est possible (dans un lycée en France, et même à l'université, je me ferais jeter vite fait : enseigner la phénoménologie féministe queer, c'est un coup à finir en prison en ce moment
)
Autre remarque, le texte est quasiment intraduisible. Ma propre traduction, vite faite, frise la nullité. Il faudrait de nombreuses heures de cogitations pour trouver un équivalent acceptable de "for", "forness", par exemple (pour s'en tenir au texte ci-dessous). Si vous avez des suggestions, je suis preneur !
Je souhaite juste vous donner un "avant-goût" (ce pourquoi je livre le texte anglais dans un autre message). Pour autant, la langue de Sara Ahmed est loin d'être aussi "jargonneuse" que celle de Husserl (qu'elle ne cite quasiment jamais) (quoique la langue de Husserl ne l'est sans doute pas tant que ça dans le texte allemand original, pas plus que celle de Freud par exemple, ou Marx ou Weber).
J'ai eu la chance de suivre, en deuxième année de philosophie, les cours de Nathalie Depraz sur Husserl, et je baignais à cette époque comme un poisson dans l'eau dans le lexique et la logique du grand phénoménologue allemand (une école redoutable pour se former l'esprit soit-dit en passant : je conseille d'y passer quelques temps si vous souhaitez vous consacrer à la philosophie). Rien d'aussi compliqué avec Sara Ahmed (mais lire l'anglais aide beaucoup, faut admettre !)
Je cite donc cet extrait qui fait allusion à la photographie reproduite sur la couverture de l'ouvrage, cette boîte aux lettres qui change d'usage et devient un nid pour oiseaux :
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